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Le Viaduc de MORESNET (Syndicat d'initiative trois frontières)

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L'historique... Rénovation 2002-04    Version imprimable
© foto: collection personnelle
MORESNET VIADUC (Historique)
Composé de 22 tabliers métalliques à double voie; il est soutenu par deux culées, cinq piles-culées et seize piles ordinaires en béton armé.

Chaque tablier mesure 48 mètres et pèse environ 260 tonnes. Lien important de communications internationales, il relie la gare d'Aix-la-Chapelle-Ouest (Aachen-Westbahnhof) à l'important centre ferroviaire de Montzen. Le rôle du viaduc de Moresnet est prépondérant dans les relations commerciales avec l'Allemagne et les pays de l'Est, 80 à 90 trains de marchandises y passent journellement dans les 2 sens.

avant 1920 Son passé, encore relativement récent, n'en fut pas moins mouvementé. Construit pendant la guerre de 14-18 par l'occupant, il devait soutenir l'effort de guerre en permettant le transport de troupes et de matériel militaire en direction du front des Flandres. C'est dans ce but que les allemands entreprirent, dès 1916, la construction de la ligne. Aix-la-Chapelle-Tongres via, Montzen et Visé, dans laquelle le viaduc constituait un "maillon important ". Pourtant, cette entreprise se heurta à certaines difficultés en raison de la configuration accidentée du terrain. La forte déclivité de la vallée de la Gueule obligea les constructeurs à ériger ce gigantesque ouvrage d'art de plus d'un kilomètre de long, véritable tour de force technique pour l'époque.

Si les ingénieurs allemands en conçurent le projet et dirigèrent les travaux, la main d'oeuvre était fournie par les innombrables prisonniers russes qui languissaient dans les camps allemands. Ces malheureux, loin de leur Patrie, furent parqués dans des camps locaux et astreints aux travaux les plus pénibles et les plus dangereux. Une nourriture insuffisante, et les mauvaises conditions hygiéniques rendirent leur situation encore plus misérable. Les plus habiles d'entre eux, pour améliorer quelque peu leur ordinaire fabriquèrent de petits objets d'art ou utilitaires qu'ils échangeaient contre un peu de nourriture ou de tabac. Ils pratiquaient ce troc avec les habitants de Moresnet et des environs qu'ils parvenaient à contacter en dépit de la sévérité de leurs gardiens et quelque fois avec leur complicité.

Dans leurs mains adroites, des douilles d'obus, reformées et décorées devinrent, ô ironie, des vases à fleurs. Des cartouches vides, procurées on ne sait où, servirent à confectionner des briquets et des bagues artistiquement ornés. Un certain nombre de ces objets; émouvants temoins d'une époque tragique, sont encore pieusement gardés par les familles de ceux qui les ont acquis.

La fin des travaux et la victoire des Alliés devaient mettre fin au calvaire des prisonniers russes. Pourtant neuf d'entre eux, décédés dans des circonstances mal définies reposent encore au cimetière de Moresnet où leur tombe commune est entretenue avec soin par la municipalité.

Le viaduc, tombé intact entre les mains des Belges au lendemain de l'armistice, fut considéré comme réparation de guerre. Il contribua, au cours des années qui suivirent, à l'expansion commerciale du pays. Mais déjà les sombres prémices de la seconde guerre mondiale s'annonçaient à l'horizon. Une nouvelle tragédie allait se jouer en Europe. viaduc bombardé

Le 10 mai 1940, accompagnée par le sinistre bruit de fond des formations aériennes l'armée allemande envahissait la Belgique pour la seconde fois. Les Belges firent sauter le viaduc, le même jour vers 7 heures du matin, au nez et à la barbe des envahisseurs. Une pile et deux tabliers métalliques furent détruits. Ce même avant midi, alors que les allemands occupaient déjà le village, les canons du fort de Battice prirent le viaduc sous leur feu, le touchant plusieurs fois. S'ils ne causèrent toutefois que des dégâts peu importants, on peut en revanche admirer la précision de leur tir. On suppose que les artilleurs du fort, privés de communications et ignorant la destruction du viaduc, entendaient par cette action empêcher tout trafic ferroviaire entre Aix-la-Chapelle et Montzen. Rapidement reconstruit par les occupants, flanqué de deux tours de DCA, continuellement parcouru par des patrouilles pour prévenir toute tentative de sabotage, le viaduc assura le transport des troupes et du matériel. militaire vers le théâtre des hostilités. La présence de cet ouvrage et la proximité de la grande gare de triage de Montzen constituaient une menace permanente pour les villages voisins. Leur importance stratégique en temps de guerre en faisait des objectifs de tout premier ordre pour l'aviation alliée. La population vivait continuellement dans la crainte des raids aériens et se réfugiait à la moindre alerte dans les abris souvent sommaires désignés par la défense passive allemande.

Les bombardements massifs d'Aix-la-Chapelle et, peu après, de la gare de Montzen (juin 1944) propagèrent une véritable terreur parmi les habitants de Moresnet et des alentours, redoutant le pire et délaissant leurs caves peu sûres, ils cherchèrent refuge dans les cavernes creuses en plein roc et en particulier dans les carrières souterraines du Château d'Eulenbourg, situées non loin de la ligne de chemin de fer.


Beaucoup de familles se terrèrent jour et nuit dans ces galeries froides et humides, y menant une vie de troglodytes. On comprendra aisément les angoisses de ces gens lorsqu'on sait que, lors des bombardements d'Aix-la-Chapelle, un chapelet de bombes tomba dans un terrain marécageux, non loin du viaduc, épargnant miraculeusement le village de Moresnet. On pense que l'appareil qui lâcha ces bombes, dérouté de son véritable objectif, probablement touché par la DCA allemande s'est débarrassé de sa charge au hasard afin de s'alléger pour pouvoir rentrer à sa base.

L'heure de la débâcle sonna enfin. Le débarquement allié du 6 juin 1944 en Normandie précipita les événements. L'armée allemande en retraite, soucieuse de freiner l'avance américaine fit sauter le viaduc au début de septembre 1944, quelques jours avant l'entrée des Américains à Moresnet. 11 tabliers sur 22, 3 piles-culées et une pile ordinaire furent détruits. Un pont routier sur la Gueule, en plein milieu du village et un autre ouvrage en béton situé sur la même ligne, à 500 mètres du viaduc sautèrent également. Ces destructions consécutives endommagèrent gravement plusieurs maisons de la localité. Ce fut une vision de cauchemar qui se présenta aux habitants lorsqu'ils virent l'étendue des dégâts.

Près de cinq ans furent nécessaires pour réparer les dommages. Les entreprises Blaton-Aubert de Bruxelles reconstruisirent les piles en béton, tandis que la firme Beaume et Marpent d'Haine-St-Pierre remplaça les tabliers détruits. Plusieurs centaines d'ouvriers, la plupart issus de la région, furent occupés pendant la durée des travaux, période au cours de laquelle on déplora plusieurs accidents, dont un mortel. Un ouvrier, M. Jean Autmans, 39 ans, de La Calamine, fit le 11 décembre 1947 une chute de plus de 50 mètres. Une humble croix fixée à une pile rappelle l'endroit de sa chute.

Monument de fer et de béton issu de l'orgueil des hommes et de leur technique, le viaduc reste le témoin muet mais combien éloquent d'une époque tragique que nous espérons à jamais révolue.